Traducteurs automatiques en classe ZHAW IUED

Comment utiliser la traduction automatique en classe ? 12 raisons.

À quoi bon apprendre l’anglais si DeepL, Google Translate et même ChatGPT peuvent tout traduire instantanément ? Les élèves utilisent volontiers la traduction automatique pour leurs devoirs et examens… Alors, manne providentielle ou machine du diable ? Voici un petit guide à l’intention des enseignant·e·s de langues étrangères pour une cohabitation harmonieuse en classe.

Autrice: Alice Delorme Benites

Alice Delorme Benites, enseignante-chercheuse en traduction automatique et humaine à la ZHAW
Alice Delorme Benites, enseignante-chercheuse en traduction automatique et humaine à la ZHAW.

À quelle pratique s’adonnent toutes les personnes en âge d’utiliser Internet mais dont personne n’ose parler ? La traduction automatique, pardi ! (Vous aviez autre chose en tête ?) Et de fait, nombre d’enseignant·e·s de langues étrangères se retrouvent parfois perplexes, ne sachant plus si le devoir qu’ils·elles corrigent a été rédigé par une personne ou un algorithme. Vous partagez leur désarroi ? Pas de panique, voici un petit condensé de la recherche actuelle en la matière.

La traduction automatique en classe de langue : ce que l’on sait

  • Fait 1 : les élèves utilisent tout le temps la traduction automatique, même lorsque c’est interdit (ça aussi, ça ne nous rappelle pas vaguement quelque chose ?)
  • Fait 2 : Attention aux jugements hâtifs ! Les élèves utilisent la traduction automatique de manière beaucoup plus créative et variée que nous aurions tendance à le penser. Ainsi, ils ne se cantonnent que très rarement à la version “j’écris-mon-texte-en-français-et-google-fait-le-reste”. Demandez-leur et vous verrez !
Machine-Translation-Le SAV-du-kidnapping
Les conditions de livraison (traduites) d’une grande chaîne de magasins en Suisse : la livraison devient un enlèvement, la grammaire de la dernière phrase est approximative et les tournures ne sont pas du tout idiomatique. Des problèmes qu’on observe de moins en moins avec la traduction automatique neuronale.
  • Fait 3 : Autrefois (il y a six ou sept ans), les traducteurs automatiques étaient tellement nuls qu’on s’en servait surtout de contre-exemples (voir exemple 1), de textes à corriger etc. Cette période est révolue depuis l’avènement de la traduction automatique neuronale fin 2016, et désormais, il n’y a plus tellement matière à rire ou à corriger.  En revanche, les traducteurs automatiques présentent encore un certain nombre de problèmes (biais de genre, hégémonie de certaines variétés pour les langues pluricentriques, mots inventés, erreurs de sens imprévisibles…). Juste pas des problèmes d’accord du participe passé.
  • Fait 4 : Du coup (peut-être), la plupart du temps, nous autres membres du corps enseignant préférons passer sous silence cette technologie diabolique sortie de nulle part qui vient nous saboter les objectifs d’apprentissage. Et pourtant, nous ne sommes pas les derniers à l’utiliser, allez, avouez !!!
Machine-Translation-Biais-du-genre
Biais de genre : les désignations de métiers féminines sont souvent masculinisées ou disparaissent (comme ici) du texte d’arrivée.
  • Fait 5: Retour aux élèves – ils·elles ont beau avoir l’esprit créatif, ils·elles ont une sacrée tendance à utiliser les traducteurs en ligne comme un dictionnaire, pour y chercher des mots isolés. Bonne ou mauvaise idée ? Ils·elles ne le sauront jamais si nous n’en parlons pas clairement avec eux·elles.
  • Fait 6 : Les élèves utilisent les traducteurs automatiques comme une calculatrice. Le résultat affiché est le seul et unique qui vaille. Manque d’esprit critique ? Absolument. Alors à nous de les aider à le développer.
Machine-Translation-Hégémonie-du-français de France
Hégémonie du français de France : lorsque plusieurs mots existent selon le pays, les variantes françaises seront généralement préférées aux autres. On trouve parfois un synonyme d’une autre région (comme ici « parc » pour la Romandie), mais seulement dans la liste des alternatives et sans autre précision.
  • Fait 7 : Les élèves les plus faibles, mais aussi les plus introverti·e·s, peuvent tirer parti d’un traducteur automatique comme aide au démarrage. Par exemple, ils peuvent plus facilement prendre la parole en classe, sans chercher leurs mots en suant à grosses gouttes pendant que les autres s’endorment mollement. Bien sûr, on parle d’une aide au démarrage, pas d’une béquille ad vitam eternam.
Machine-Translation-Mots inventés
Mots inventés : le système a inventé le mot anglais *intraphraspoken* pour traduire le terme français intraphrastique.
  • Fait 8 : Les élèves des niveaux moins avancés apprécient les traducteurs automatiques car ces derniers produisent des phrases grammaticalement correctes. Cela leur permet de progresser dans le maniement des règles de grammaire, mais aussi d’obtenir rapidement des exemples concrets d’usage.
  • Fait 9 : Sur le long terme, travailler explicitement avec la traduction automatique permet d’améliorer la compréhension écrite des élèves en langue étrangère. Si si.
  • Fait 10 :  Les textes présentés par les traducteurs automatique influencent la production des élèves, par exemple en les poussant subtilement à employer des tournures grammaticales plus éloignées de leur langue de départ lorsqu’ils rédigent un texte sans l’aide du traducteur.
Machine-Translation-Erreur-imprévisible
Erreur imprévisible : le signataire de ce post s’appelle désormais Jean-Pierre Jean-Pierre. Pourquoi ? On l’ignore.
  • Fait 11 : Travailler en classe avec les traducteurs automatiques permet aux élèves de mieux percevoir les différences structurelles entre deux langues et de comprendre que l’écriture est un processus complexe.
  • Fait 12 : Inclure les traducteurs automatiques explicitement dans les cours de langues est motivant et pousse les élèves à plus communiquer dans la langue étrangère, surtout au début de leur apprentissage. Cela crée une atmosphère moins menaçante (peur du ridicule, de l’erreur) et augmente la confiance en soi.

Tout cela, c’est le fruit d’études de chercheuses et chercheurs (mais surtout des chercheuses, en fait, liste en bas de page) du monde entier, qui se sont penchées sur la question. J’en fais partie, et le travail n’est pas fini. D’autant plus que de toutes ces différentes études, une conclusion ressort presque systématiquement : sans le soutien, et surtout l’accompagnement informé, constructif et bienveillant des enseignant·e·s, les élèves se retrouvent face à une technologie qui les dépasse et qui, telle une monture trop fougueuse, risque de les envoyer valdinguer plutôt que de les mener à bon port. Alors sortons la tête du sable et prenons le taureau par les cornes !

PS : alors oui, c’est bien gentil d’écrire qu’il faut accompagner les élèves, mais si on n’y comprend rien, à la traduction automatique ? Si nous aussi, ça nous dépasse ? Dans ce cas, nous vous aidons : depuis janvier 2023, une série d’ateliers gratuits pour les classes de secondaire est proposée par l’institut de traduction et d’interprétation de la ZHAW. Si vous souhaitez  organiser un atelier pour vos élèves et/ou vos collègues, n’hésitez pas à consulter notre offre gratuite sur le site : www.zhaw.ch/iued-at-school (en allemand, de nombreux ateliers sont possibles en français sur demande).


Informationshinweis zum Bachelor Mehrsprachige Kommunikation an der ZHAW


La liste des publications qui ont servi de base à cet article :

Briggs, N. (2018). Neural machine translation tools in the language learning classroom: Students’ use, perceptions, and analyses. JALT CALL Journal, 14(1), 3-24.

Lee, S.-M. (2020). The impact of using machine translation on EFL students’ writing. Computer Assisted Language Learning, 33(3), 157-175.

Loock, R. (2020). No more rage against the machine: How the corpus-based identification of machinetranslationese can lead to student empowerment. The Journal of Specialised Translation, n. 34, pp. 150–170.

Delorme Benites, A.; Lehr, C., (2021). Mehrsprachigkeit und Technologie : Who’s lost in translation?. Angewandte Linguistik für Sprachberufe. Berlin/Boston: De Gruyter. pp. 118-132.

Delorme Benites, A., (2021). Maschinelle Übersetzung für akademische Texte (OER). ZHAW Zürcher Hochschule für Angewandte Wissenschaften.

Chung, E. S.  & Ahn, S. (2021): The effect of using machine translation on linguistic features in L2 writing across proficiency levels and text genres, Computer Assisted Language Learning,

O’Neill, E. (2019). Online translator, dictionary, and search engine use among L2 students. CALL-EJ: Computer-Assisted Language Learning-Electronic Journal v. 20 n. 1, S. 154-177.

Resende, N., Cowan, B. & Way, A.  (2020) MT syntactic priming effects on L2 English speakers.European Association for Machine Translation (EAMT) 2020, 2-6 Nov 2010, Lisbon, Portugal (Online). ISBN 978-989-33-0589-8

Yamada, M. (2020). Language learners and non-professional translators as users, in: M. O’Hagan (ed). The Routledge Handbook of Translation Technology. London: Routledge, pp. 183–199.

Valijäriv, R., Tarsoly, E. (2019). Language Students as Critical Users of Google Translate: Pitfalls and Possibilities. Practitioner Research in Higher Education, v12 n1, pp. 61-74

Kennedy, O. (2021). Taking tools into their own hands: Independent learner use of Machine Translation to proofread L2 academic writing. Eurocall 2021. Online, 25-27 Aug 2021

Alm, A. (2021). Taking tools into their own hands: Independent learner use of Machine Translation to proofread L2 academic writing. Eurocall 2021. Online, 25-27 Aug 2021

Rucart Rus, A. (2021). Potential and Limitations of Machine Translation to Learn English: the Case of Apprentice Engineers. Eurocall 2021. Online, 25-27 Aug 2021.


Mehrsprachige Kommunikation studieren – feat. Hazel Brugger

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À l’issue du bachelor en communication multilingue de l’Institut de traduction et d’interprétation (IUED), les étudiant·e·s deviennent des professionnel·le·s des langues et de la communication et savent dresser des ponts entre les langues, les cultures et les disciplines. Les diplômes en Communication et médiation linguistique, en Communication multimodale et traduction ou en Communication spécialisée et design de l’information ouvrent des débouchés dans l’industrie des langues mais aussi dans toutes les organisations et entreprises nationales et internationales qui requièrent une communication multilingue de qualité.


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